Alain Roussillon died yesterday
I last saw Roussillon on March 5, when we had a long chat about the constitutional amendments and current political situation in Egypt. I remember him being concerned about the rising social tensions in Egypt, seeing in them both an opportunity for the expression of genuine grievances and the return of la question sociale in Egyptian politics and a potential danger. He compared the present situation to the atmosphere of the year preceding the July 1952 coup -- the Cairo fire and ensuing riot, the political intrigue, the massive social disaffection and rejection of the government. Some of the large-scale strikes we had seen at the time made him suspect that the legendary patience of long-suffering Egyptians was wearing thin.
“Street protests in Egypt are dangerous – you will have thousands of deaths in case of a riot. Neither the Muslim Brotherhood nor the regime really control the street,” he said. “The January 1952 model is reproducible.” We differed somewhat on that point, but agreed on one thing: the greatest threat to the regime is not the Muslim Brotherhood or some other political group, but popular attitudes towards it, and there are few countries where the state lacks as much legitimacy as Egypt.
He was very well versed in the debates in the Egyptian press and intellectual circles -- the way positions are taken and framed, the coded references and intellectual antecedents of the idées reçues of Egyptian discourse. He was also alarmed, as someone who has spent most of his adult life chronicling Egyptian society, of the ascendancy of shallow conservative and materialistic ideas in Egyptian life -- the entire ecosystem of ideas and practices that has largely taken over this country in the past 20-30 years, ideas he explored by examining the new Islamic writings that were came out of the globalization of Islam.
He was a fascinating conversation partner, I regret that we will not meet again.
The announcement of his death, information on the church service, and a note from the CEDEJ staff follows after the jump in French and Arabic.
From the CEDEJ:
Nous avons le regret de vous faire part du décès d'Alain Roussillon, directeur du CEDEJ, survenu ce jour au Caire, des suites d’une hémorragie cérébrale.
Une cérémonie, à laquelle chacun pourra assister, aura lieu le mercredi 4 juillet à 13h00 à l'église copte de la Vierge, rue Maraashli – El Zamalek.
La famille recevra les condoléances à partir de 19h00 dans la salle attenante à l’église.
L'inhumation se fera dans l'intimité, au Caire, dans le caveau familial.
Une cérémonie d’hommage sera organisée à Paris en octobre.
L'équipe du CEDEJ
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بكل أسى ننعى لكم الآن روسيون مدير السيداج الذي توفى اليوم بالقاهرة، إثر نزيف في المخ.
تتم مراسم الجنازة المفتوحة للجميع يوم الأربعاء 4 يوليو بكنيسة العذراء، شارع المرعشلي بالزمالك في تمام الساعة الواحدة.
تتقبل عائلة الفقيد التعازي على الساعة السابعة بقاعة العزاء في نفس الكنيسة.
فريق العاملين بالسيداج
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Alain Roussillon nous a quitté, terriblement rapidement.
Directeur du CEDEJ, directeur de recherche au CNRS, organisateur de multiples entreprises intellectuelles collectives, compagnon des charrettes de veille de colloque, animateur d’une vie de laboratoire qui pouvait se prolonger tard dans la nuit, aimant la recherche comme la vie et la vie comme la recherche, faisant leur part à l’intellect comme aux affects, complice des fêtes conviviales comme des petites et grandes colères contre le monde tel qu’il va, qui devenaient chez lui rage de comprendre et de faire comprendre, Alain a été tout cela à la fois, et bien autres choses encore. Nous perdons, qui un directeur, qui un ami, qui un « pote », un compagnon de route, un collègue stimulant et pour beaucoup, tout cela à la fois ; nous perdons par dessus tout une présence chaleureuse, généreuse, bouillonnante, inventive et dynamisante. Elle manquera terriblement au CEDEJ.
De Beyrouth à Paris, de Rabat à Tokyo, en passant par Bogota et Manille, du GSPM au GTMS, ses pas le ramenaient toujours vers le CEDEJ et Le Caire, une ville qu’il ne quittait que pour mieux y revenir. Cette fois-ci pour toujours. Alain est inhumé dans la terre de sa famille maternelle, la terre d'Egypte. Sur cette ascendance égyptienne qu’il ne reniait pas, il était très discret car, pour les avoir longuement examinées, il ne connaissait que trop bien les impasses séduisantes des jeux identitaires.
A Anna et Antoine, à Giuliana, à Christine, à sa mère, à son frère, à ses proches et amis, au Caire, à Paris et ailleurs, aux membres du CEDEJ enfin, restent les meilleurs des souvenirs. Ceux qui l’ont connu le savent, les mots comptaient beaucoup pour lui, et il aurait sans doute ironiquement souri en entendant parler de son « œuvre ». Parlons plutôt d’un savoir précieux que ses collègues s’attacheront à transmettre et faire connaître, et d’une « posture » exigeante - c'était son mot favori - où le chercheur rejoignait la personne, où la prise de parti pour les plus faibles et l'indignation face à leur condition stimulaient la volonté de comprendre, sans jamais sacrifier au compassionnel, mais sans non plus verser dans le cynisme.
Au revoir, cher Alain, avec toi l'un des artisans d'une intelligence généreuse du monde arabe et musulman disparaît, en un moment où il en est plus que jamais besoin. Tes travaux et ton souvenir contribueront, sois en sûr, à maintenir, encourager et inspirer cette exigence d'intelligence. De cela aussi, merci, Alain !